SAMIR AMIN
L’OUVERTURE
DU NOUVEAU CANAL DE SUEZ
Le
6 aout la voie qui double le Canal de Suez sera inaugurée.
L’Egypte
aura démontré qu’elle est capable de concevoir et d’exécuter un grand projet de
cette envergure par ses seuls moyens. Comme la Chine (je reviendrai sur la
comparaison). Lorsque, il y a à peine plus d’un an, le gouvernement égyptien
annonçait son intention d’exécuter ce projet la presse internationale disait
alors : impossible sans financement international (et Qatar proposait ses
services), impossible sans appel d’offre international, parce que l’Egypte ne
dispose pas des cadres à la hauteur du défi pour concevoir le projet et en
assumer la direction de la mise en œuvre. Et pourtant les capitaux ont été
réunis en un clin d’œil, par le seul appel aux épargnes égyptiennes. L’armée a
ensuite été mobilisée pour l’exécution, réalisée en un an, alors que les médias
occidentaux prétendaient qu’il fallait au moins 5 ans ! Certes quelques
entreprises étrangères ont été associées, pour la fourniture de matériels
lourds (dragues, grues et autres) ; mais elles ont été placées en
situation de sous-traitantes au service de l’entreprise d’Etat égyptienne. Le
contraire très exactement de ce que la Banque mondiale et autres proposaient en
confiant la conception et l’exécution à des firmes étrangères, les égyptiennes
n’étant alors que sous-traitantes !
On
dira : encore un projet « pharaonique ». Oui, et pourquoi pas.
L’Egypte, avec ses 90 millions d’habitants, a besoin de « projets
pharaoniques ». Celui-ci et d’autres : une nouvelle vallée du Nil,
conduisant du Haut Barrage à la dépression de Qatara (à l’ouest d’Alexandrie),
la mise en exploitation de ses ressources gazières, l’aménagement d’un million
de feddans (500 000 hectares) de terres arables supplémentaires. L’Egypte
peut le faire par elle-même, comme la Chine.
On
dit que le doublement du Canal de Suez va permettre le redémarrage de
l’économie égyptienne, créer un million d’emplois. C’est possible ; mais à
condition. Les grands travaux par eux-mêmes ne produisent pas le miracle du
démarrage économique. Il faut pour que cela soit ainsi qu’un terrain favorable
ait été préparé. Il faudrait pour cela que la politique économique mise en
œuvre s’emploie à reconstruire l’appareil productif industriel démantelé par
les politiques du libéralisme. Reconstruire l’appareil productif industriel,
avec ses composantes lourdes (acier, chimie) et ses composantes légères
(textiles, industries agro-alimentaires, automobile et autres). Rénover les
capacités agricoles sur la base de la petite exploitation paysanne. Pour le
faire il faut sortir des ornières du libéralisme, concevoir un projet souverain
d’ensemble. Comme la Chine.
(écrit et publié le 2 aout 2015; interview de Radio France Internationale )
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RépondreSupprimerPoint de vue pertinent, n'en déplaise aux institutions financières internationales et aux Frères Musulmans, j'appelle Monsieur Samir Amine à faire un énorme travail de pédagogie et de com pour promouvoir ce cas d'école en matière de développement et pour contrer le travail de sape des sceptiques et des saboteurs. L'Égypte mérite bien cela.
RépondreSupprimerPoint de vue pertinent, n'en déplaise aux institutions financières internationales et aux Frères Musulmans, j'appelle Monsieur Samir Amine à faire un énorme travail de pédagogie et de com pour promouvoir ce cas d'école en matière de développement et pour contrer le travail de sape des sceptiques et des saboteurs. L'Égypte mérite bien cela.
RépondreSupprimerMerci
RépondreSupprimersamir