SAMIR AMIN (juin 2014)
Le conflit Chine/ Vietnam
Je
ne peux, aujourd’hui, que reprendre ce que j’avais déjà dit il y a plusieurs
années, m’adressant à des responsables politiques en Chine et au Vietnam,
auxquels je tenais exactement le même discours :
« Si
j’étais Président du Vietnam ou de la Chine – et vous voyez que cette probabilité étant nulle, mes propos sont sans
conséquence – je ferai la chose suivante. Je dirai : nous, ensemble,
Vietnamiens et Chinois – contrôlerons cette Mer que nous appellerons la Mer du
Sud, sans la qualifier davantage (comme on dit « le Golfe » pour
éviter de le qualifier d’arabe ou d’iranien). Nos deux marines de guerre y
patrouilleront ensemble. Un haut officier vietnamien sera embarqué sur chaque navire
chinois et vice versa. Nous interdirons aux intrus – le Japon et les Etats Unis
- de s’y faire voir. Et puis, pour ce qui est de l’exploitation des ressources
de la Mer, nous constituerons une Haute Commission chargée d’en définir les
formes et les conditions. J’ajoute que la responsabilité de la Chine dans toute
cette affaire est majeure. C’est la Chine qui est le partenaire fort dans la
région. C’est à elle de faire les premiers pas, voire des concessions, pour
permettre que s’ouvre une véritable négociation entre les deux pays, et faire
échouer toute tentative des impérialistes nord-américains et japonais de tirer
profit de cette querelle. La priorité dans nos politiques doit être donnée à la
construction d’un front commun des nations du Sud face à l’impérialisme».
Je
n’attendais pas de réponse ; et je n’en ai pas eue. Mais je pouvais lire
sur les visages dans les deux pays : cet homme est un rêveur ; il
manque de réalisme. Ma conclusion : Oui, les hommes de pouvoir, encore
aujourd’hui et partout, se pensent réalistes, mais leur realpolitik ne
l’est pas. Le réalisme, c’est être révolutionnaire, agir pour changer les
choses et renforcer le front commun des peuples du Sud.
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