SAMIR AMIN
LA
QUESTION KURDE, HIER ET AUJOURD’HUI (Août 2016)
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Le chaos politique qui
domine la scène dans le Moyen Orient s’exprime entre autre par l’émergence
violente de la question kurde. Comment peut-on analyser, dans ces conditions
nouvelles, la portée de la revendication des Kurdes (autonomie ?
indépendance ? unité ?) ? Et peut-on déduire de l’analyse que
cette revendication doit être soutenue par toutes les forces démocratiques et progressistes,
dans la région et dans le monde ?
Une grande confusion
domine les débats sur le sujet. La raison en est, à mon avis, le ralliement de
la plupart des acteurs et des observateurs contemporains à une vision non
historique de cette question comme des autres. Le droit des peuples à
l’autodétermination a été érigé en un droit absolu, dont on voudrait qu’il soit
tenu pour valable pour tous et pour tous les temps présent et futur, voire même
passé. Ce droit est considéré comme l’un des droits collectifs parmi les plus
fondamentaux, auquel on donne souvent davantage d’importance qu’à d’autres
droits collectifs de portée sociale (droit au travail, à l’éducation, à la
santé, à la participation politique etc.). Par ailleurs les sujets de ce droit
absolu ne sont pas définis d’une manière précise ; le sujet de ce droit
peut être alors une « communauté » quelconque, majoritaire ou
minoritaire dans le cadre des frontières d’un Etat ou d’une de ses
provinces ; cette communauté se définissant elle-même comme
« particulière » par la langue ou la religion par exemple ; et
se prétendant, à tort ou à raison, victime de discrimination voire
d’oppression. Les analyses et les prises de position qui sont les miennes
s’inscrivent en contrepoint de cette vision transhistorique des problèmes de
société et des « droits » au travers desquels s’expriment les
revendications des mouvements sociaux du passé et du présent. En particulier
j’attribue une importance capitale à la coupure qui sépare l’épanouissement du
monde moderne capitaliste des mondes antérieurs.
L’organisation
politique de ces mondes antérieurs a revêtu des formes diverses à l’extrême,
allant de la construction de pouvoirs exercés sur des espaces vastes, qualifiés
de ce fait « d’Empires » à celle de plus modestes monarchies plus ou
moins centralisées, sans exclure l’émiettement extrême de pouvoirs ne dépassant
guère l’horizon du village dans certaines circonstances. L’examen de cet ensemble disparate de formes
politiques antérieures à la modernité capitaliste n’est évidemment pas l’objet
de cet article. Je ne ferai référence ici qu’à
quelques-unes des constructions impériales propres à la région concernée :
les Empires romain et byzantin, les califats arabo-persans, l’Empire ottoman.
La
qualification commune de ces constructions – les Empires – est plus trompeuse
qu’utile, bien que celles-ci partagent toutes deux caractères : (i) elles
rassemblents nécessairement, par leur étendue géographique, des peuples et des
communautés différentes par leur langue, religion et modes de production et de
vie sociale ; (ii) les logiques qui commandent la reproduction de la vie
sociale et économique ne sont pas celles du capitalisme, mais relèvent de ce
que j’ai qualifié de famille des modes de production tributaires
(« féodal » dans le langage le plus fréquent). Pour cette raison je
considère absurde l’assimilation de tous ces Empires anciens (ceux considérés
ici pour la région et d’autres, comme la Chine) d’une part et d’autre part des
Empires construits par les grandes puissances capitalistes, qu’ils aient été
des Empires coloniaux comme ceux de la Grande Bretagne et de la France modernes
ou des Empires sans colonies formelles comme l’Empire des Etats Unis, à une
forme unique dite Empire. La thèse bien connue de Kennedy sur la « chute
des Empires » relève de ces philosophes spéculatives transhistoriques.
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Je
retourne à celui de ces Empires qui intéresse directement notre sujet :
l’Empire ottoman construit au moment où l’Europe amorce sa rupture avec son
passé et son entre dans la modernité capitaliste. L’Empire ottoman était, lui,
anté-capitaliste. Sa qualification
d’Empire turc est elle-même inexacte et trompeuse. Sans doute les guerres de
conquêtes des tribus semi nomades turcomanes venues d’Asie centrale ont-elles
été déterminantes dans la destruction double de l’Empire byzantin et du Califat
de Bagdad, comme du peuplement majeur de l’Anatolie et de la Thrace orientale.
Mais le pouvoir du Sultan de l’Empire s’étendait bien au-delà sur les
territoires des Arméniens, des Kurdes, des Arabes, des Grecs et des Slaves des
Balkans. Qualifier cet Empire de multinational procède d’une projection erronée
sur le passé d’une réalité ultérieure, les nationalistes (anti-ottomans) des
Balkaniques et des Arabes étant dans leur forme moderne les produits de la
pénétration du capitalisme dans l’Empire.
Tous
les peuples de l’Empire – Turcs et autres – étaient exploités et opprimés au
même titre ; au sens que les majorités paysannes étaient toutes soumises
au même principe d’un prélèvement tributaire lourd. Ils étaient tous également
opprimés par le même pouvoir autocratique. Certes les Chrétiens étaient de
surcroît l’objet de discriminations particulières. Mais on ne doit pas voir ici
des formes d’oppression « nationale », ni à l’égard des peuples
chrétiens, ni à l’égard des Musulmans non turcs (Kurdes et Arabes). La classe
dominante associée au pouvoir du Sultan comptait dans ses rangs les notabilités
civiles, militaires et religieuses de toutes les régions de l’Empire, y compris
l’embryon de nouvelles bourgeoisies compradore en particulier grecques et
arméniennes produites par la pénétration capitaliste.
Les
caractères spécifiques du système ottoman mentionné ici ne sont pas propres à
cet Empire oriental. On en retrouve des expressions analogues dans d’autres
Empires anciens, comme dans les Empires austro-hongrois et russe. Ou même dans
l’Ethiopie de Ménélik et de Hailé Sélassié. Le pouvoir du Roi de Rois n’était
pas associé à une domination amhara ; les paysans Amhara n’étaient pas
mieux traités que les autres ; la classe dirigeante était recrutée parmi
toutes les régions de l’Empire (il y avait par exemple un bon nombre
d’originaires de l’Erythrée parmi celle-ci !).
Rien
de pareil dans les systèmes impérialistes modernes. Les Empires coloniaux (de
la Grande Bretagne ou de la France) comme l’Empire informel des Etats Unis ont
été construits systématiquement sur la base de la distinction tranchée entre le
peuple des métropoles et ceux des colonies et dépendances, auxquels étaient
déniés les droits le plus élémentaires octroyés au premier. En conséquence le
combat des peuples dominés par le capitalisme impérialiste devenait un combat
de libération nationale, de nature anti-impérialiste par la force des choses.
Il faut donc se garder de confondre ce nationalisme moderne anti-impérialiste –
progressiste de ce fait – de toutes les autres expressions de mouvements
nationalistes non anti-impérialistes, qu’il s’agisse des nationalismes
inspirées par les classes dirigeantes des nations impérialistes, ou de
mouvements nationalistes non anti-impérialistes – comme l’ont été ceux des
peuples balkaniques sur lesquels je reviendrai plus loin. Assimiler les
structures propres aux Empires anciens et celles particulières aux Empires
impérialistes du capitalisme, les confondre dans un pseudo-concept général d’« Empire »
s’inscrit en contrepoint des exigences élémentaires d’une analyse scientifique
des sociétés historiques.
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L’émergence
des idéologies des nationalismes est ultérieure. Celles-ci se constituent au
XIXe siècle seulement, dans les Balkans, en Syrie, chez les Arméniens, et plus
tard chez les Turcs de Roumélie en réaction aux autres. Il n’y a pas alors le
moindre soupçon d’émergence d’un nationalisme kurde. L’émergence de tous ces
nationalismes est étroitement associée à l’urbanisation nouvelle et à la
modernisation des administrations. Les paysans eux pouvaient continuer à parler
dans leur langue, ignorer celle de l’administration ottomane qui n’apparaissait
dans les campagnes que pour la collecte des tributs et le recrutement des
soldats. Mais dans les villes nouvelles, et particulièrement dans les nouvelles
classes moyennes éduquées, la maîtrise d’une langue écrite devenait une
nécessité quotidienne. Et c’est dans ces classes nouvelles que vont se recruter
les premières générations nationalistes au sens moderne. Le caractère rural des
zones de peuplement kurde, comme celui de l’Anatolie centrale turque, explique
la formation tardive du nationalisme turc (kémaliste) et encore plus tardive du
nationalisme kurde.
Un
parallèle avec l’Empire austro-hongrois aidera à comprendre la nature des
processus qui finiront par faire éclater ces deux Empires austro-hongrois et
ottoman. L’Empire austro-hongrois s’était constitué avant l’émergence du
capitalisme européen ; mais il en a été le voisin le plus proche, et
certaines de ses régions (l’Autriche, la Bohême) se sont reconstruites sur les
bases nouvelles du capitalisme. La nouvelle question nationale a donc émergé ici
au XIXe siècle. Nous devons aux Austro-marxistes (Otto Bauer et autres) une
belle analyse de cette dimension du défi socialiste, comme de propositions de
stratégie que je considère comme ayant été les plus progressistes possibles
dans les conditions de l’époque : sauvegarder les avantages du grand Etat,
mais accélérer sa transformation par des avancées socialistes (radicales ou
même social démocrates), construire un internationalisme des peuples fondé sur
un traitement politique rigoureusement également favorable à tous, associé à
une authentique politique d’autonomies culturelles. La suite des évènements n’a
pas permis le succès du projet au bénéfice de nationalismes bourgeois
médiocres.
Les
nationalismes balkaniques et syro-arabe, apparus plus tard et dans les formes
médiocres associées au capitalisme périphérique des régions concernées, ont
triomphé et contribué à faire disparaître l’Empire ottoman. Mais les faiblesses
propres à ces nationalismes ont contraint leurs prometteurs à rechercher le
soutien des puissances extérieures – la Grande Bretagne et/ou la Russie en
particulier – contre le pouvoir ottoman. Ils en ont payé le prix : les
nouveaux Etats créés par eux restaient dans le giron des puissances
impérialistes dominantes, Grande Bretagne et France pour les Arabes, Grande
Bretagne et Allemagne pour les Balkaniques.
En
Arménie le renouveau national (car l’Arménie avait connu une belle civilisation
indépendante avant d’être intégrée à l’Empire ottoman) a été mis en déroute par
le génocide de 1915. Il s’agissait d’un nationalisme écartelé entre celui de la
nouvelle bourgeoisie arménienne émigrée dans les villes de la Roumélie
(Constantinople, Smyrne et autres), qui occupait des positions de choix dans le
nouveau monde professionnel et financier et celui des notabilités et des
paysans des terres arméniennes. L’intégration d’une petite partie de ces terres
dans l’Empire russe (le territoire de l’Arménie soviétique puis indépendante)
compliquait encore les choses, car elle pouvait faire craindre la manipulation
de Saint Petersburg, en particulier durant la première guerre mondiale. Le
pouvoir ottoman a alors choisi la voie du génocide. Je ferai remarquer à cet
endroit que les Kurdes se sont comportés ici comme les agents du massacre et
ses bénéficiaires principaux : ils ont plus que doublé la superficie de
leur territoire en s’emparant des villages arméniens détruits.
Le
nationalisme turc moderne est encore plus récent. Il s’est constitué d’abord
dans les milieux relativement éduqués de l’armée et de l’administration
ottomane des villes de Roumélie (Constantinople, Smyrne, Thessalonique) en
réaction aux nationalismes balkaniques et syro-arabe, sans trouver d’écho
véritable chez les paysans turcs (et kurdes) d’Anatolie centrale et orientale.
Ses options, qui deviendront celles du Kémalisme, sont connues :
européanisation, hostilité à l’égard de l’ottomanisme, affirmation du caractère
turc du nouvel Etat et de son style laïcisant. Je dis bien laïcisant et non
laïc, car le nouveau citoyen turc se définit par son appartenance sociale à
l’Islam (les quelques Arméniens qui ont survécu au massacre, les Grecs de
Constantinople ou de Smyrne ne sont pas admis) ; néanmoins l’Islam en
question est réduit au statut d’institution publique dominée et manipulée par
le pouvoir nouveau d’Ankara.
Les
guerres conduites par les kémalistes de 1919 à 1922 contre les puissances
impérialistes ont permis de rallier au nouveau nationalisme turc les masses
paysannes turques (et kurdes) de l’Anatolie. Les Kurdes ne se distinguent pas
alors des Turcs : ils combattent ensemble dans les armées kémalistes. Le
nationalisme kémaliste turc devient anti-impérialiste par la force des choses.
Il comprend alors que l’ottomanisme et le Califat ne protègent pas les peuples
de l’Empire (Turcs, Kurdes et Arabes) ; au contraire ils ont facilité la
pénétration de l’impérialisme occidental et la réduction de l’Empire au statut
de région capitaliste périphérisée dominée. Ce que ni les nationalismes
balkaniques et arabes de l’époque n’avaient compris : ceux-ci font
ouvertement appel au soutien des puissances impérialistes contre le pouvoir de
la Sublime Porte. Le nationalisme kémaliste anti-impérialiste donne alors le
coup de grâce à l’ottomanisme.
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Le
caractère anti-impérialiste du système kémaliste d’origine devait néanmoins
s’affaiblir rapidement. L’option d’origine en faveur d’un capitalisme d’Etat à
vocation autocentrée indépendante s’essoufflait tandis que progressait un mode
de développement capitaliste périphérique dépendant. La Turquie payait le prix
de l’illusion de son nationalisme bourgeois, de ses confusions d’origine. Le
kémalisme croyait pouvoir construire une nation capitaliste turque à l’image de
celles de l’Europe avancée ; il ne comprenait pas que la réalisation de ce
projet était vouée à l’échec, en Turquie comme ailleurs dans toutes les régions
du capitalisme périphérique. Son hostilité à l’égard du socialisme, aggravée
par la crainte de l’Union Soviétique, a conduit Ankara à rechercher le soutien
des Etats Unis : la Turquie de généraux kémalistes – comme la Grèce des
Colonels – ont immédiatement adhéré à l’Otan, et sont devenus des Etats clients
de Washington. L’accélération des processus de développement du capitalisme
périphérique s’est manifestée par l’émergence d’une nouvelle agriculture
capitaliste en Anatolie, au bénéfice d’une classe de paysans riches, et par la
mise en place d’industries de sous traitance.
Ces évolutions sociales
érodaient la légitimité du kémalisme. Les élections pluripartites à partir de
1950, fortement suggérées par Washington, renforçaient le pouvoir politique des
nouvelles classes paysannes et compradore, issues du monde rural anatolien
traditionnel et étranger à la laïcité de la classe politique kémaliste roumélienne.
L’émergence de l’Islam politique turc et les succès électoraux de l’AKP en ont
été le produit. Ces évolutions n’ont pas favorisé la démocratisation de la
société, mais tout au contraire conforté les aspirations à la dictature du
Président Erdogan et la résurgence de l’ottomanisme instrumentalisé, comme son
ancêtre, par les puissances impérialistes majeures, en l’occurrence aujourd’hui
les Etats Unis.
Simultanément ces mêmes
évolutions sont à l’origine de l’émergence en Turquie de la question kurde.
L’urbanisation de l’Anatolie orientale, l’émigration en masse de ses paysans
ruinés vers les villes de l’Ouest ont alimenté l’émergence de la nouvelle
question des Kurdes de Turquie, prenant conscience qu’ils n’étaient pas des
« Turcs de la montagne » mais s’en distinguaient par l’usage d’une
autre langue dont ils revendiquaient la reconnaissance officielle. Une solution
de la question par l’option en faveur d’une autonomie culturelle authentique du
Kurdistan turc aurait sans doute été possible si la nouvelle classe dominante
avait elle-même évoluée dans une direction démocratique. Mais cela n’était pas
le cas, et ne l’est toujours pas. Les Kurdes ont été alors contraints, dans ces
circonstances, de répondre à la répression aggravée de leurs revendications par
la lutte armée. Il est intéressant de faire remarquer à cet endroit que le PKK
qui anime cette lutte se revendique d’une tradition socialiste radicale comme
l’indique son nom (Parti Communiste Kurde !), associée probablement à son
recrutement au sein du nouveau prolétariat des villes de Turquie. On aurait pu
imaginer qu’il choisisse de ce fait une ligne de conduite internationaliste, et
tente d’associer les prolétaires kurde et turcs dans le même combat à la fois
pour le socialisme, la démocratie et la reconnaissance du caractère binational
de l’Etat. Il ne l’a pas fait.
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Bien que les peuples
kurdes occupent un territoire continu (l’Anatolie orientale, une mince bande le
long de la frontière syrienne, le nord-est de l’Iraq, les montagnes de l’Ouest
de l’Iran), la question kurde se pose en Iran et en Iraq dans d’autres termes
qu’en Turquie.
Les peuples kurdes –
les Mèdes et les Parthes (qui ont donné leur nom au fleuve Euphrate) de
l’Antiquité – partagent avec les Persans des langues indoeuropéennes voisines.
Il semble que, peut-être de ce fait, la coexistence des Kurdes et des Persans
n’ait guère fait problème dans le passé. Ici encore la question kurde émerge
avec l’urbanisation récente dans la région. De surcroît le chiisme, officiel en
Iran plus que jamais, est également à l’origine d’un malaise dont est victime
la majorité sunnite des Kurdes d’Iran.
L’Iraq dans les
frontières définies par le mandat britannique a séparé les Kurdes du nord-est
du pays de ceux de l’Anatolie. Mais ici encore la coexistence entre Kurdes et
Arabes se frayait la voie, grâce entre autre à l’internationalisme réel d’un
Parti communiste relativement puissant dans les villes et au sein du
prolétariat plurinational. La dictature du Baas – caractérisée par le chauvisme
arabe – a malheureusement fait reculer les progrès accomplis antérieurement.
La nouvelle question
kurde est le produit du déploiement récent de la stratégie des Etats Unis qui
s’est donné l’objectif de détruire l’Etat et la société en Iraq et en Syrie, en
attendant de s’attaquer à l’Iran. Le discours démagogique de Washington (sans
rapport avec la prétendue démocratie invoquée) donne la priorité absolue à
l’exercice du « droit des communautés ». Les discours des défenseurs
des « droits de l’homme » qui font la même option et auxquels j’ai
fait référence dans cet article viennent donc bien à propos. Le pouvoir central
irakien a donc été détruit (par le gauleiter Bremer dès la première
année de l’occupation du pays) et ses attributs dévolus à quatre pseudo-Etats,
deux d’entre eux fondés sur des interprétations bornées et fanatiques des
versions chiite et sunnite de l’Islam, les deux autres l’étant sur les
particularismes prétendus des « tribus kurdes » d’Iraq !
L’intervention des pays du Golfe, soutenant – derrière les Etats Unis – l’Islam
politique réactionnaire qui a donné le prétendu Califat de Daesh a contribué au
succès du projet de
Washington. Il devrait être presqu’amusant de faire observer que les Etats Unis soutiennent les Kurdes d’Iraq au nom de la « démocratie », mais pas ceux de Turquie, allié important dans l’Otan. Deux poids, deux mesures, comme d’habitude.
Washington. Il devrait être presqu’amusant de faire observer que les Etats Unis soutiennent les Kurdes d’Iraq au nom de la « démocratie », mais pas ceux de Turquie, allié important dans l’Otan. Deux poids, deux mesures, comme d’habitude.
Les deux partis
politiques qui exercent leur pouvoir sur des parcelles différentes du
territoire du Kurdistan irakien sont-ils « démocratiques », ou l’un
meilleur que l’autre ? Il faudrait être bien naïf pour croire à ces
balivernes de la propagande de Washington. Il ne s’agit là que de coteries de
politiciens/chefs de guerre (et qui savent s’enrichir par ce moyen). Leur
prétendu « nationalisme » n’est pas anti-impérialiste ; car être
anti-impérialiste c’est combattre la présence US en Iraq, et non s’inscrire
dans celle-ci pour avancer quelques pions personnels.
Je n’en dirai pas
davantage ici concernant le projet de domination des Etats Unis dans la région,
dont j’ai analysé les objectifs réels ailleurs.
L’analyse proposée
aidera peut-être à mieux comprendre la nature du (ou des) nationalismes kurdes
à l’œuvre aujourd’hui, les limites qu’il (ou qu’ils) s’impose en ignorant les
exigences du combat anti-impérialiste dans la région, des réformes sociales
radicales qui doivent accompagner cette lutte, comme les exigences de la
construction de l’unité de tous les peuples concernés (Kurdes, Arabes,
Iraniens) contre leur ennemi commun : les Etats Unis et ses alliés locaux
(islamistes ou autres).
Je parle du
nationalisme kurde au pluriel. Car en effet les objectifs des mouvements
(souvent armés) qui agissent aujourd’hui en son nom ne sont pas définis :
un grand Etat pan- kurde indépendant ? Deux, trois, quatre ou cinq
Etats Kurdes ? Une dose d’autonomie dans les Etats tels qu’ils sont ?
Y-a-t-il quelques raisons qui pourraient expliquer cet émiettement et le flou
qui l’accompagne ? A mon avis oui. Les Arabes et les Persans ont procédé à
une splendide rénovation/modernisation de leurs langues respectives au XIXe
siècle, les Turcs l’ont fait plus tard, dans les années 1920-1930. Les Kurdes
n’ont pas été placés dans des conditions qui le leur imposaient ! Il n’y a
donc pas une langue kurde, mais des langues voisines certes mais toujours
distinctes et sans doute pas encore à la hauteur des exigences de leur usage
dans le monde moderne. Cette faiblesse trouvait sa contrepartie dans
l’assimilation linguistique des élites, adoptant le persan, l’arabe ou le turc,
pour le meilleur comme pour le pire !
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